Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Textes et photos de Serge Capdessus

CHAMONIX ZERMATT. RECIT DE LA RANDONNEE GLACIAIRE.

8 Janvier 2019 , Rédigé par Serge 3364

 

CHAMONIX ZERMATT.

 

RECIT  DE CETTE FAMEUSE RANDONNEE GLACIAIRE

 

ETE 2010

diaporama en ligne :

http://picasaweb.google.fr/urdos2009/ChamonixZermatt2010#

Cham Zer suite 073

Participants:

Maurice Turc 

Pierre Capdessus 

Stéphane Aubry 

Véronique Prim 

Gérard 

Aimé Lahaille

Jean Cordebart

Joël Chartier  

Jean Pierre Supera.

Guillemette De Cours

Rémi Capdessus

Serge Capdessus 

 

28 juillet 2010. 

Prologue.

Après une longue route à travers la France, nous nous retrouvons tous les 12, comme prévu, au gîte d'étape des Contamines. Les prévisions météo ne sont pas formidables mais ne devraient pas nous empêcher de partir. Avec une petite pensée pour Jean Luc et Sylvie qui n'ont pu être des nôtres, nous attaquons aussitôt l'apéritif apporté par Jean Pierre, il est des fondamentaux qu'il ne faut surtout pas oublier.

 

29 juillet 2010.

Montée arrosée au refuge Albert 1er (France).

A Chamonix, la couleur du ciel ne nous porte pas vers l'enthousiasme délirant. Les nuages sont de plus en plus gris et bas, nous changeons nos euros en francs suisses et partons quand même. Au hameau du Tour, c'est une belle averse, froide et drue qui stoppe notre élan. Nous mangeons notre petit repas dans le local du téléphérique. Il fait déjà froid. La pluie ne cesse pas.

Le repas avalé, nous prenons la benne. -"Dépêchez vous, le téléphérique va s'arrêter à cause des orages!!" nous glisse à l'oreille l'employée, avant de nous donner l'habituel coup de fusil.

C'est encourageant et rassurant, tout à la fois. Nous sautons dans les télésièges pour le dernier tronçon. Il pleut de plus en plus. Bien évidemment, l'engin s'arrête plein milieu du trajet. Pendant de longues minutes, nous restons suspendus, immobiles, transis, de plus en plus mouillés. Le moral tombe dans les chaussettes, déjà humides. Allons nous passer la nuit dans cette position? Non! L'engin repart. Voilà la terre ferme.

Tout le monde est déjà là. Parfait.

Juste au dessus de nous, dans les nuages, le sentier file à travers les rhododendrons, vers le haut de la montagne. Sans attendre plus longtemps, nous entamons cette première montée. Il pleut toujours mais pas de coup de tonnerre à l'horizon.

Un panneau indique; "Refuge Albert 1er1h45". Sans forcer, nous mettronsCham Zer 001

une bonne demi heure de moins. Les conditions ne sont pas extrêmes mais n'incitent pas à la flânerie, d'autant plus que des bandes de brouillard nous enveloppent de temps en temps. Pendant toute la première partie de la montée, plutôt en traversée, il pleut, le sol est glissant, les pentes restent vertigineuses et  le sentier désert. Nous marchons assez vite. Pendant la seconde partie, plus raide, il ne pleut plus et nous croisons quelques montagnards qui descendent vers le confort. Personne ne les suit. Le refuge apparaît. Toujours pas d'éclair. Nous gravissons les dernières pentes de rocher. Pierre et Véro arrivent les premiers. Les derniers de notre équipe ne sont pas loin.  

Refuge Albert 1er. Nous sommes trempés mais déjà heureux d'être là.   

 

30 juillet 2010.

Du refuge Albert 1er au  gîte de Champex.

A 5h, c'est l'heure de se lever. Dehors, il fait encore plus mauvais qu'hier. Les abords du refuge sont enneigés et gelés. Petit déjeuner pris, nous partons un peu inquiets dans ce brouillard. Comme toujours, les premiers mètres sont pénibles avec ces roches glissantes et ces capuches trop serrées. On n'y voit goutte. Je décide alors tout de même d'aller jusqu'au glacier. Ensuite on verra...

Cham Zer 011

Après une bonne demi heure de combat, nous mettons les pieds sur le glacier.

Rémi m'appelle "-Papa, Guillemette a fait demi tour!" Bigre. "C'est peut être elle qui a raison..."  Le brouillard se lève peu à peu et dévoile la trace que nous allons suivre. Donc, on y va. Nous formons les cordées. nous prendrons contact avec Guigui plus tard.

Cordée A; Maurice Stéphane et Jean.

Cordée B: Joël, Jean Pierre et Gérard.  

Cordée C: Aimé, Pierre et Rémi.

Cordée D; Serge et Véro.

Le glacier est de toute façon plus enneigé que lors de nos précédentes visites. Il n'y a que peu de glace vive apparente. Encordés, cramponnés, pioletés nous rejoignons la trace qui remonte la partie gauche de ce grand glacier. Même si nous l'avons déjà parcouru plusieurs fois, c'est un spectacle toujours magnifique qui nous accompagne pendant ces deux premières heures. J'essaie d'imprimer un rythme deCham Zer 021 marche très lent afin de ne décourager personne. Nous franchissons les quelques bosses habituelles, apercevons quelques rares crevasses et sans faire le moindre arrêt, rattrapons les cordées parties avant nous. Tout va bien. Comme nous avons bien dépassé l'Aiguille du Tour bien reconnaissable avec sa Table, il va falloir se mettre aux choses sérieuses et piquer sur notre gauche vers le Col Supérieur du Tour. 

Cham Zer 022

Nous faisons alors une petite halte "barres et pâte de Coing", histoire de bien  apprécier la majestueuse vue sur l'Aiguille du Chardonnet, avant de lui tourner le dos.     

 Nous montons donc au Col Supérieur du Tour par une pente raide et en bonnes conditions de neige. Les virages se suivent. L'effort est intense mais personne ne cale. Même les rochers terminaux d'habitude si pénibles nous laissent passer sans mots dire.

Nous atteignons le grand glacier de Trient. Le soleil est là, c'est magnifique. Nos trois cordées arrivent à quelques mètres  d'intervalle les unes des autres, ce qui est très encourageant pour la suite.

Une brève halte sur cet endroit superbe et nous nous lançons rapidement dans la grande   traversée de ce glacier. La trace est bien faite, la visibilité est bonne. Je préfère ne pas traîner, l'étape n'est pas encore terminée. 

Nous admirons  les Aiguilles Dorées, apercevons le refuge du Trient  et filons alors vers celui d'Orny. Nous descendons pour cela la langue glaciaire qui plonge vers la vallée délaissant le sentier qui remonte dans les pentes rocheuses de la rive gauche.

Après quelques acrobaties entre glace et rocher "- Allons-y, on verra bien... " nous foulons enfin le sentier qui net et balisé doit nous mener  alors jusqu'au fond de la vallée de Trient soit par une traversée suivie d'un télésiège soit par une descente directe et interminable. A l'unanimité moins une voix nous prenons la première solution.

Voilà enfin le moment de prendre le repas de midi alors que le petit déjeunerCham Zer 040

de ce matin est depuis longtemps digéré. Il ne nous reste alors qu'à suivre ce magnifique parcours en traversée, coupant des pentes hautes et très raides pour arriver au télésiège de la Roya. 

La descente mécanique et aérienne nous mène à Champex. Tout va bien sauf que nous n'y trouvons pas la moindre trace de Guigui! Argl! Une petite inquiétude commence à poindre... Une dizaine de minutes de marche plus tard et nous arrivons tous  en bon état, au gîte du Bon Abri. Et là, excellente surprise, notre amie est déjà là! Elle est passée par la moyenne montagne. Tout va donc très bien, on peut boire des bières, laver ses chaussettes et prendre une douche. Le bonheur du montagnard est simple.  

  Cham Zer 050

Le 31 juillet 2010.

Du village de Champex  jusqu'au  refuge de Chanrion.
 

Bonne surprise, ce matin, le taxi réservé nous a déjà trouvé. Après un excellent petit déjeuner, nous nous engouffrons tous dans ce magnifique véhicule. Aimé s'installe à l'avant, nous pouvons dormir tranquilles. Le transfert mécanique de près de 50 km entre le village de Champex et le lac de Mauvoisin occupe une bonne partie de la matinée. Il fait très beau. Au terminus de la route goudronnée le taxi, logiquement, nous débarque. Aimé remarque la terrasse de l'hôtel tout proche et Véro nous y paye le café! Et après cela, qui oserait dire que la vie n'est pas belle?

Cham Zer 054

 

 

 

 

 

 

Nous suivons d'abord une petite route goudronnée qui monte jusqu'au grand barrage de Mauvoisin. L'endroit est grandiose avec ces gigantesques masses d'eau et de béton. Nous prenons de l'altitude. Rapidement notre petite route devient tout à fait extraordinaire car elle emprunte de nombreuses galeries et autres tunnels.  -"Vraiment, cette montagne est un gruyère". Joël. Devant, Gérard et Maurice caracolent en tête. D'autres regrettent de ne pas avoir pris leur VTT pour effectuer cette belle montée. D'ailleurs, de temps en temps, des cyclistes nous doublent sur cet itinéraire qui ne ressemble à aucun autre.

Pendant une ou deux heures, nous longeons ainsi le lac. Cette masse d'eau et ses furieux torrents adjacents finiraient par être angoissants s'il ne faisait pas aussi beau. Cham Zer 056

Au bout du lac, nous sommes toujours sur cette petite route mais nous n'y voyons aucun véhicule. Et avant d'entamer la montée vers le refuge, nous repérons quelques terrasses herbeuses, parfaitement orientées pour y prendre notre repas. Il ne nous reste ensuite qu'à retrouver le sentier pour  monter dans les alpages fleuris Au passage, nous admirons un vaste troupeau de vaches suisses aux dimensions tout à fait remarquables. Nous en profitons pour en

Cham Zer 068

apprécier aussitôt le lait - un litre nous est offert par les agriculteurs. Voici le refuge de Chanrion bien installé à 2462 m au cœur d'un paysage magnifique de hautes et de moyennes montagnes. C'est un refuge de randonneurs plutôt que d'alpinistes. Juste avant le repas, nous animons la terrasse avec notre apéritif, merci Pierre pour le portage, qui en rend jaloux plus d'un.

Cham Zer 075

  

Le 1er août 2010.

Du  refuge Chanrion au  refuge des Vignettes par le grand glacier d'Otemma.

Quand le réveil sonne dans ce dortoir endormi, il est 5h, tout le monde resterait bien au lit un peu plus. Bien évidemment Gérard et Maurice sont déjà debouts alors tout le monde se lève. Le petit déjeuner d'assez bonne qualité est rapidement avalé et nous quittons le refuge en même temps qu'un autre groupe guidé avec lequel nous jouerons au chat et à la souris pendant les 3 jours à venir.  Du refuge, nous descendons par un sentier évident jusqu'au fond de la vallée qui nous fait face. Le temps est beau et frais, tout se présente bien. Nous allons vivre une belle journée.  Nos pas nous mènent d'abord sur  une gorge étroite et rocheuse. De nombreux travaux hydro-électriques sont visibles. Nous y avons un rythme de marche lent et soutenu c'est à dire sans arrêts  car il faut avancer le plus efficacement possible.

Cham Zer 081

Devant nous, l'immense masse du glacier d'Otemma que nous allons remonter pendant toute cette journée. Au départ, pas de glace ni de neige, le fond de la vallée large est entièrement caillouteuse. "-On se croirait au Népal,  c'est grandiose... " Vero. Nous progressons ainsi rapidement sans difficultés dans cet univers minéral: pas d'oiseau, pas de végétaux, très peu de bruit, que des cailloux, que des rochers, que du gris, que du noir. Au dessus de nos têtes, les sommets enneigés essaient de nous écraser de toute leur masse et nous sommes encore bien loin de les approcher. 

 Voici qu'apparaît, plein champ face à nous, bien  visible, de la glace, beaucoup de glace. Première satisfaction, pas de moraine frontale croulante, pas de champ de crevasses compliquées. Nous mettons gaillardement les pieds sur cette énorme marche et ne ralentissons pas d'un pouce notre progression. Ce glacier est vraiment immense, plus de 13 kilomètres disent les documents trouvés par ci par là. Large, occupant toute la largeur de la vallée, presque plat, peu torturé en surface, sans neige pour cacher ses entrailles, il est au départ, presque entièrement recouvert de cailloux.  Nous pouvons donc avancer sans irrégularités ni difficultés sur cette surface beaucoup moins hostile que redoutée. 

Au loin, face à nous apparaissent les sommets qui doivent marquer la fin de la journée mais pas la moindre trace du refuge. C'est tout simplement que nous sommes encore loin de notre but. Peu à peu, au fur et à mesure de notre progression, la quantité de rochers recouvrant la surface diminue et après une tentative malheureuse pour prendre pied sur la rive droite caillouteuse, nous restons bien sagement sur le dos du glacier profitant de minuscules moraines latérales pour continuer à marcher sans beaucoup d'arrêts. 

De temps en temps, nous faisons quand même une petite halte, histoire de bien jauger du regard les écarts entre nous. Cham Zer 087

Et pas encore de cordes nécessaires mais les crampons sont mis pour rendre la progression plus facile sur cette glace de plus en plus dure de plus plus noire.  Nous surveillons  l'altimètre, les 3000 m du col approchent. Personne ne veut s'arrêter, alors on continue.   Voici la neige qui apparait sur le sol, les crevasses deviennent alors invisibles, prudence, il faut maintenant s'encorder. Alors que le col de Chermotane, large et évident, avec ses 3053m d'altitude, occupe tout l'horizon, Pierre et Stéphane certainement agacés par cette interminable montée piquent un véritable sprint, nous laissent sur place, rejoignent la trace venant de Bertol et filent jusqu'au refuge. Nous ne le reverrons qu'à l'intérieur du bâtiment. Aimé leur fera remarquer gentiment et à juste titre qu'il ne faut pas marcher décorder sur un glacier de cette envergure.

Loin derrière, Véro, Gérard, Aimé, Maurice, arrivent au col, s'encordent et prennent la trace qui monte au refuge. C'est à ce moment que nous réalisons que nous avons toutes les cordes avec nous. Nos quatre amis qui ferment la marche n'en ont pas. Nous nous séparons alors en deux, les uns terminent cette montée épique jusqu'au refuge et les autres font un petit demi tour pour porter la corde à nos amis. Ces derniers pas du tout fatigués coupent ardemment  le fromage afin d'arriver au col le plus vite possible.  Cham Zer 095

 

L'estomac dans les talons Il ne nous reste alors plus qu'a gravir les 150 derniers mètres de dénivelé pour atteindre, après un dernier effort épuisant en pleine chaleur, le refuge des Vignettes (3158 m), accrochée sur le rebord de la paroi. Ce refuge est un véritable nid d'aigle entouré de précipices et de vides incroyables. Peu fréquenté, il est neuf et confortable. Nous apprécions sa terrasse et ses rochers pour un excellent après midi de récupération.

2 août 2010.

Du refuge des Vignettes au refuge Bertol 3311m.


La météo s'est bien dégradée pendant la nuit, il a tonné et un peu neigé. Au réveil, tout le monde resterait bien sous les couettes. On fait durer le plaisir en attendant que les guides d'à côté annulent le départ. Mais rien de tout cela ne se produit et nous devons nous lever.

Effectivement dehors il fait mauvais, les nuages gâchent tout. Nous prenons alors la décision pour rejoindre la cabane de bertol, de de ne pas passer par le glacier mais plutôt par la vallée, ce qui constituera tout de même une belle journée. Bien équipés avec cagoules, gants et vestes nous nous encordons dans l'entrée du refuge pour une plongée vers le glacier. Il neige même légèrement quand nous sortons du refuge. Un petit stress parcours notre équipe et tous les autres groupes du refuge font , comme nous, le tour par la vallée.

Les premières pentes glaciaires sont assez soutenues et en assez bonnes conditions. La glace vive est rare et nos crampons la mordent bien.  Nous franchissons allègrement ce premier obstacle à l'ambiance des grands départs de la haute Montagne. Notre trace zigzague sans souci sur le glacier de Pièce entre quelques  petites crevasses et nous atteignons assez vite la fin du glacier. Une heure environ de descente et le mauvais temps du matin se dissipe. Le ciel bleu apparaît mais il est trop tard pour faire demi tour et nous plongeons vers le bas . Nous traversons la moraine frontale, facile et Cham Zer 126

trouvons rapidement le sentier qui parfaitement balisé nous fait plonger dans la vallée d'Arolla. Gérard qui est venu skier dans ces stations nous montre la-bàs, très haut, sur la crête, le refuge Bertol, incroyable nid d’aigle, accroché sur le fil de l'arête. Et on ne sait pas encore à quel point.
Le sentier nous fait alors descendre de belles pentes de moyenne montagne ou nous retrouvons l'herbe, les plantes et les oiseaux. Quel contraste avec l'univers de cailloux et de glace d'hier. Et voilà même la forêt que nous avons quitté depuis Trient. Le sentier continue de descendre fortement et en prenant un beau raccourci, nous atteignons la route du fond de vallée. 

C'est le moment d'un regroupement général avant d'attaquer la terrible remontée jusqu'au refuge. Tout le monde est là, suit bien le rytme collectif. Il y a bien quelques écarts entre le premier et le dernier mais 12 personnes en haute montagne ne peuvent pas avancer à la même vitesse, il y a forcement des écarts entre nous. Nous suivons donc tous ensemble la route jusqu'à son terminus occupé par des entreprises d’extraction de cailloux ou de pierres.

Quand nous quittons la route à son terminus, l'altimètre indique « 2008m » et il nous faudra remonter jusqu'aux « 3300m » de la cabane, ce qui fait une belle différence... Mais personne, là encore ne songe à faire demi tour. 

Nous suivons d'abord un sentier net et bien balisé qui nous fait prendre efficacement de l'altitude en remontant de grandes pentes raides et rocheuses. De formidables dalles rocheuses grises et noires donnent à ces paysages une sévérité tout à fait exceptionnelle. Devant Maurice et Stéphane et d'autres, filent bon train. Nous ne les rattraperons pas de sitôt. Un groupetto Guigui, Jean, Aimé, Véro, Jean Pierre se forme et mange quelques bricoles. Juste de quoi recharger les batteries avant d'aller attaquer les encore loin, pentes terminales du refuge.

Heureusement, le sentier est bien tracé et parfaitement balisé. Nous voyons donc le dénivellé diminuer régulièrement sous nos efforts. Sur notre droite arrive le sentier qui descend du refuge des Vignettes par les glaciers. «-C’est de là que nous aurions dû arriver souffle alors Véro ». Et voilà le site magnifique des Plans de Bertols à 2600m d’altitude. Nous sommes confiants, nous avons déjà gravi la moitié du dénivelé, le sentier a l’air bien marqué et balisé et il nous reste encore bien du temps pour terminer l’ascension. Et là ô surprise, voila une belle cabane qui pourrait nous servir d’abri en cas de difficultés. Nous en profitons pour manger une dernière bricole et nous repartons rapidement.

Mais là, en quelques minutes les choses vont rapidement se dégrader. D’abord après une traversée presque horizontale dans des pâturages, le sentier attaque les premières pentes d’éboulis et perds définitivement tout balisage. Presque aussitôt après, c’est le sentier qui lui-même disparaît dans les cailloux. Notre progression devient alors subitement beaucoup plus lente et pénible. Et comble de malchance, il se met à pleuvoir légèrement, rendant alors les rochers glissants. Chacun se lance dans cette bataille avec courage et ardeur. L’effort est violent et intense. Au dessus de nous, encore très haut dans les sommets, la cabane toujours bien visible Cham Zer 134sans aucune compassion nous regarde souffrir.

 

Rémi s’arrête pour mettre ses chaussures de montagne, Pierre reste avec lui, Stéphane et Maurice sont toujours devant et attaquent le vaste névé qui monte presque jusqu’au col, Joël, Gérard et Aimé sont en proie avec la mer de cailloux, Guigui, Jean et Jean Pierre sont plus bas, près de la cabane du plan Bertol (on distingue très bien les couleurs vives de leurs vestes dans cet univers gris et sombre). Avec Véro, je croise une cordée descendante. Un homme m’y conseille de ne pas prendre les câbles mais plutôt de contourner l’obstacle rocheux par la gauche en remontant des pentes de neiges raides mais en bonne condition. Et surtout il termine son propos  par ces mots qui m’étonnent un peu: « …arrivés au col, vous trouverez, en passant sur l’autre coté, toutes les chaînes et câbles pour monter au refuge… »  C’est ce pluriel qui me pose question, pourquoi parler de chaînes et de câbles au pluriel? Je comprendrai plus tard.

Effectivement le glacier passe bien et à part quelques pas en glace vive, nous parvenons sans encombre sur une petite selle rocheuse ou viennent d’arriver Maurice et Stéphane. Ils ont pris les câbles. Rémi et Pierre nous rejoignent. Je propose à tous de mettre les crampons pour terminer la montée au col qui est défendu par une pente enneigée qui pourrait se révéler méchante.

Cham Zer suite 010

Crampons au pied, nous atteignons le col Bertol, nous pensons en avoir terminé et, comme annoncé, nous contournons l’éperon rocheux ,côté Nord pour découvrir la dernière épreuve du jour: un ensemble de câbles et  d'échelles remontant une face rocheuse verticale de 150 mètres de dénivelé. Quelle surprise! Une belle fin d'ascension qui exige donc assurance solide et pied sûr. L'ambiance est unique, vertigineuse  impressionnante.

 

 

Nous atteignons demi heure plus tard, essoufflés , le refuge,Cham Zer 136 véritable nid d'Aigle au sens propre. L'ambiance à l'intérieur se révèle elle aussi unique...

Quand nous pénétrons dans la salle principale, nous constatons que nous sommes le premier groupe a arriver ce jour là. Tout le monde est content d'être là mais le plus enthousiaste est de loin Aimé qui répète à qui veut l'entendre : " ...ça au moins c'est une vrai arrivée en refuge... cela vaut vraiment le coup de se dépasser pour connaître  cela ... c'est la plus belle arrivée en refuge que j'ai connue... ". Les autres n'ont rien à rajouter.

Généreux comme toujours, Joël redescend aussitôt sur la terre ferme pour aller a la rencontre de la dernière cordée (Jean, Guigui et Jean-Pierre) qui en termine avec le glacier. 

 

Dès qu'elle arrive, environ demi heure plus tard, notre amie distribue généreusement bières et soupe à son entourage.

Cham Zer 145Nous passons l'après midi à manger, boire et lire. Impossible de faire autreCham Zer suite 003 chose même aller aux toilettes est une aventure. Ah vraiment personne n'oubliera le refuge BertoL

Au fil de l'après midi arrivent des groupes tous guidés qui vont remplir le refuge. "S'il y a deux services je me demande comment on va faire..." Nous avons un peu l'impression d'être des  cosmonautes dans une station spatiale tant l'atmosphère est  étonnante et particulière.

 

Les deux grandes questions qui nous mobilisent toute cette après midi est "...et la méteo de demain, qu'elle sera-t-elle? et  "...demain, s'il ne fait pas  beau, que faisons  nous?"... Même les guides plus expérimentés que nous, ne savent pas répondre à ces deux questions.

"Moi, c'est simple, j'attends demain et je ferai ce que Serge a décidé" répond alors invariablement Maurice...

 

 3 août.  Du refuge Bertol  au refuge Schönbiel. 


 A 5 heures ce matin, le réveil sonne. Rapidement, nous nous apercevons que la situation se présente bien: toute l’équipe est en bonne forme et le temps semble basculer dans le beau. Bien évidemment, certains d’entre nous tombent du lit mais d’autres attendent encore quelques minutes pour quitter le doux confort des couvertures.

 Le petit dejeuner est calme et presque lent car comme le dit Gérard: "Il faut laisser les autres cordées nettoyer les barreaux des échelles ". Cham Zer suite 015Il a raison Gérard, cette nuit la température a été négative et  les barreaux des échelles sont glissants de givre... Il faut donc faire attention pour descendre jusqu'au glacier.

C'est une journée incroyable qui commence .....

 

Le ciel se découvre franchement. Nous quittons le navire. Pour cela,  certains s’encordent, d’autres s’attachent, d’autres ne font rien de tout cela. Nous nous rejoignons tous ensemble sur le col Bertol. Le soleil inonde tout. Pierre s’aperçoit alors qu’il a laissé la grande corde au refuge, il remonte la chercher, ce qui n’est pas rien.

Pendant ce temps, Maurice, Jean et Stéphane démarrent. J’annonce à tous : « Au prochain arrêt, on refera des cordées plus équilibrées… » Nos trois amis prennent la trace et se lancent aussitôt à la poursuite des cordées déjà parties.

Quelques instants plus tard, nous quittons alors ensemble le col en 3 cordées.

Au début, tout va bien. Nous suivons la trace, la visibilité est bonne. Arrivés sur le premier ressaut, une petite dizaine de minutes après le départ, j’aperçois sur le fond de la vallée, des nuages qui montent. Rapidement ils nous coupent toute la visibilité lointaine. Cela ne m’inquiète pas encore…

Alors que nous progressons sur cette belle trace, nous sommes rapidement entièrement enveloppés de brumes et de nuages. Ce ne semble pas être un phénomène passager, le brouillard devient rapidement très épais. Plus grave, il se met à neiger. Ce qui signifie que l’ensemble des nuages est probablement important. Mais nous avons toujours sous nos pas, la trace qui nous guide. Nous continuons à marcher ainsi pendant une vingtaine de minutes. La météo ne cesse de se dégrader. Craignant alors que la trace soit recouverte par cette neige et afin de ne pas tomber dans le piège qui se profile, je propose puis ordonne un demi-tour général jusqu'au refuge Bertol.

Nous prenons alors toujours dans le mauvais temps, la direction du bas, même si la trace traverse plus les pentes qu’elle ne les descend. Nous marchons pendant un bon quart d’heure et avons la joie de rencontrer la dernière cordée qui monte à son tour.

Cette dernière stoppe à quelques pas de nous. Ses membres s’habillent chaudement pour se protéger du vent et du froid. Avec l’accord du guide, nous décidons alors de faire un nouveau demi-tour en suivant, à distance, cette cordée de 6 alpinistes.

Il neige de plus en plus. Nos sacs à dos sont maintenant couverts d’une fine pellicule de neige. Après une longue attente nous reprenons la marche en avant. Nous avançons silencieux et enneigés comme des grognards de la Grande Armée mais nous avons probablement évité la Berézina.

Nous allons marcher ainsi pendant plus de deux heures dans ces conditions difficiles. La visibilité toujours réduite à quelques mètres et notre environnement visuel est blanc-gris à 100%. Nous n’avons aucun mal à suivre car visiblement, nous sommes plus entraînés que nos amis d’un jour.

Soudain j’entends la voix de Véro: « -Serge, regarde ! Il ne neige plus et le vent est tombé… » C’est là une bonne nouvelle, bien encourageante. Nous continuons à progresser toujours dans ces mêmes conditions de brouillard. Sous nos pieds, se creuse un début de pente sur notre gauche. Nous saurons plus tard que nous sommes à ce moment en train  de longer une énorme crevasse non loin du sommet.

« Véro: -Je suis étonnée mon altimètre indique: plus de 3500m et nous montons toujours ! Nous devrions redescendre.

- Aimé. Je pense qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir, il a un GPS ».

Et après deux heures environ de cet effort dans ces conditions si particulières, il me semble effectivement la pente se radoucit puis s'inverse. Cela se confirme rapidement. Nous descendons. Les difficultés sont en train de passer derrière nous.

Rapidement maintenant la situation s'éclaire et la visibilité s’améliore peu à peu. Nous contournons quelques énormes crevasses et perdons rapidement de l’altitude. Nous commençons alors à deviner les dimensions énormes du glacier que nous traversons depuis ce matin. Notre pas s’accélère, la trace s’élargit nettement, nous sortons définitivement des difficultés. Je laisse filer la cordée de Toni et nous abordons les rochers de fin de glacier. Nous abordons le monde du rocher. Nous nous y décordons. Nous avons aussitôt après, la surprise de croiser une expédition de russes chargés de sacs énormes. Nous contournons les rochers du Stocky et avons le bonheur de voir se découvrir l’incroyable masse du Cervin, tout proche et très impressionnant. Ce sont la face Nord et les arêtes du Lion et de Zmutt qui nous font face. c'est un ensemble magnifique que beaucoup d'entre nous voient pour la première fois.

 

 
Cham Zer suite 053Cham Zer suite 056La

 

Il nous faut maintenant descendre par un cheminement rocheux, quelque fois un peu exposé, dans des pentes rocheuses caillouteuses  agrémentées de quelques passages  tres raides, jusqu'au grand glacier de Zmutt.

Et alors, nous realisons simplement  que nous sommes descendus plus bas que le refuge Schonbiel. Il va donc nous falloir remonter le grand glacier et ses énormes moraines et ses immenses champs d'éboulis pour atteindre les prairies vertes et accueillantes qui entourent le refuge. 

Quelle journée, que nous n'oublierons pas.  

 

 

4 août Refuge Schönbiel - chalets de Zmutt - Zermatt

Dernier jour de notre aventure.

Il fait grand beau. Nous prenons notre temps ce matin pour admirer le paysage sublime qui nous fait face, au pied du Cervin et de ses satellites. Nous admirons à la jumelle notre parcours glaciaire de la veille, enfin ensoleillé.   

A l'opposé des journées sublimes que nous venons de vivre, la descente sur Zermatt, elle, est évidente, sans la moindre difficulté technique. Nous rejoignons par des chemins agréables et peu fréquentés les alpages jusqu'à Zermatt. Nous traversons ainsi nombre de paysages et de villages  typiquement Suisses  pour traverser, vers midi, glorieux et heureux,  la capitale helvétique des Alpes.

Apres 6 jours de marche et d'efforts, bien évidemment, les pieds chauffent un peu dans nos grosses chaussures mais nous sommes tous ravis, heureux, d'avoir réussi, ensemble, sans dommage, mais avec beaucoup d'émotions , cette belle aventure.

 

Merci à toutes et tous.

Baurech le 1er septembre 2010.

Serge Capdessus

  Cham Zer suite 073Cham Zer suite 076

 

. Photos de Véronique Prim.

  Texte de Serge Capdessus

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article